Les bévues des moines copistes

Les bévues des moines copistes

On faisait déjà des fautes au Moyen Âge !

 

 

Un copiste n'est pas un élève ayant tendance à lorgner la bonne réponse chez son voisin de table.

Avant l'invention de l'imprimerie, des lettrés, souvent moines, disposant d'une minutie et d'une patience à toute épreuve étaient chargés de reproduire les livres. Il fallait par exemple trois ans pour recopier une Bible. On peut voir une illustration de ce métier exigeant dans le roman, devenu film, "Le nom de la Rose" où figure un exemple de la salle dédiée à la copie : le scriptorium.

 

Les livres des humanistes sont des corrections des anciens livres manuscrits.

Béatus Rhénanus, un humaniste de Sélestat, ma ville d'accueil, a consacré sa vie à récolter les ouvrages copiés et à compiler les versions pour en évacuer les fautes et divergences. Son but : préserver et mettre la connaissance à disposition de tous.

Ce travail de fourmi, pardon, de philologue, consistait en effet à débusquer les incunables au fond de bibliothèques endormies, à les comparer, annoter, réécrire afin d'en obtenir une version "non corrompue".

"On peut lire ses notes dans les marges, où il s'énerve contre les fautes des copistes" m'explique le directeur de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat. Cette dernière a pris le relais de Béathus Rhénanus et s'échine à rendre accessibles ses collections. Les moyens ont changé : numérisation des fonds, disponibles en ligne, muséographie 2.0, expositions surprenantes : tatouages il y a un an, réalité virtuelle cet été (2019) et escape game à venir...

Une nouvelle preuve que les écrits du passé parlent encore à notre société actuelle, qu'ils ont par ailleurs façonnée, notamment avec leurs fautes.

 

L'accord du participe passé avec AVOIR, le doublement des consonnes, le pluriel en X, des erreurs ?

Les copistes travaillaient à la main. Or... l'erreur est humaine. Quelle belle leçon : même les plus lettrés de l'époque faisaient des erreurs !

Selon Arnaud Hoedt et Jérôme Piron, c'est à une erreur de moine copiste que l'on doit l'étrange règle d'accord du participe passé avec l'auxiliaire "avoir", variant selon la position du COD. Mais les versions divergent, le YouTubeur Linguisticae avance, lui, que c'est en fait dû à l'influence de la règle italienne, choisie comme modèle au 16e siècle par un poète du nom de Marot. Le roi François 1er lui avait confié le soin d'harmoniser les pratiques en établissant une règle. Comme nombre de règles, elle ne fit pas du tout l'unanimité à l'époque (pas plus que de nos jours !).

 

On pourrait également attribuer aux copistes le doublement des consonnes qui nous fait nous arracher les cheveux. En effet, ces messieurs étant payés au caractère avaient tout intérêt à en ajouter.

 

Certains leur mettent également sur le dos les pluriels en X.

En ancien français, le pluriel de "cheval" était "chevaus", mais c'était plus rapide d'écrire X, d'où l'évolution en "chevax". Dans un souci erroné de correction, on aurait rétabli le U en conservant le X. Le résultat est, comme souvent, plus compliqué.

 

Concluons

La faute d'aujourd'hui peut donc être la norme du futur. Ainsi certains linguistes prédisent-ils la fin du "ne" de négation, de plus en plus délaissé. De même, l'erreur d'abréviation des numéraux est devenue si commune qu'on ne peut plus décemment la considérer comme fautive. Avouez qu'en voyant un panneau "Deuxième démarque", vous trouvez naturel de voir écrit "2ème" et non "2e", qui est pourtant la forme correcte.

Les moines copistes sont donc là pour nous rappeler que tout le monde fait des fautes et que celles-ci ont parfois de l'avenir. Ce n'est pas une malédiction, mais une évolution.

 

 

Site de la Bibliothèque Humaniste de Sélestat : https://www.bibliotheque-humaniste.fr/

Chaîne YouTube de Linguisticae : https://www.youtube.com/channel/UCofQxJWd4qkqc7ZgaLkZfcw